Stoppon cette lutte absurde, luttons pour une vie plus digne

Andy Storey (Attac Ireland) / Working Group « Economic Governace »

L’ombre de la compétitivité plane sur l’Europe. Nos dirigeants nous signalent régulièrement que nous devrions travailler plus, plus longtemps et gagner moins afin d’être plus compétitifs. Ils nous le rappeleront lors du Conseil Européen de décembre. Nous devrions renoncer à nos retraites, nos assurances chômage et renoncer à la plupart des acquis de l’« Europe sociale ». Nous devrions nous rendre plus flexibles, quitte à sacrifier la sécurité de nos emplois, pour des emplois toujours plus précaires et difficiles ; qu’à cela ne tienne, soyons « compétitifs ». Les gouvernements, plutôt que d’aider les économies à sortir de la récession, s’orientent vers une politique de discipline budgétaire ; relevons le défi, soyons compétitifs. Les pays de la périphérie européenne ont tout intérêt à déposer leur souveraineté aux pieds de la « troïka », car c’est leur compétitivité qui est jeu. Signons des accords de libre-échange tels que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec les États-Unis, soyons compétitifs. Et surtout, ne sur-régulons pas le secteur financier, n’incommodons pas les entreprises avec nos considérations environnementales, et pensons « compétition ».

Le dogme de la compétitivité ne réglera pas le problème actuel de la zone Euro. La pression à la baisse exercée sur les salaires (et par la même occasion, sur la demande des consommateurs) ainsi que sur les dépenses du gouvernement aspire les économies européennes dans ce gouffre sans fond. Si on regarde bien, ce discours ne vise qu’à dynamiser les profits des entreprises aux détriments du bien-être des populations européennes et de l’environnement. Chacun mérite un salaire honnête, un travail digne et des services publiques de qualité. Nous pourrions distribuer les emplois et les salaires plus équitablement. Mais alors, nous devrions redistribuer les revenus depuis le capital financier et, plus généralement, depuis les profits des entreprises, vers la plus grande partie de la population, vers les services publics et vers la protection de l’environnement.

Le message dissimulé de cette discussion autour de la compétitivité sera révélé lors de la réunion du Conseil Européen du 19 décembre, à l’occasion du débat autour du nouvel Pacte de Compétitivité. La chancelière allemande Angela Merkel a convié le président français François Hollande et le président de la commission européenne José Manuel Durão Barroso à une rencontre en mars 2013 à Berlin. Ils y rédigeront ce nouvel pacte en conciliabule avec quinze membres de la table ronde des industriels européens (ERT), tous chefs de direction de grandes entreprises. Deux d’entre eux ont mené une réflexion de groupe sur le thème de la compétitivité. En voici quelques propositions : la réduction de la fiscalité, le démantèlement (partiel) des réglementations bancaires, la détérioration progressive des conditions de travail, la simplication des fusions et des acquisitions, et la privatisation. Selon l’Observatoire de l’Europe industrielle, « les exigences de l’ERT semblent ne converger que vers une chose : mettre l’Union européenne à la botte des entreprises ».

S’il était adopté, le Pacte de Compétitivité constituerait une entente contractuelle supplémentaire entre les États membres et la commission, une sorte de « troïka pour tous ». Il affaiblirait les lois nationales du travail, reverrait les salaires à la baisse, tout en alignant la réglementation (du moins, ce qu’il en reste) sur le rythme des entreprises, au plus grand plaisir de l’ERT. Dans des conditions pareilles, le risque de voir une nouvelle crise économique apparaître à l’avenir serait encore plus grand. Pour prévenir ce problème, nous avons besoin de plus de réglementations, particulièrement dans le secteur financier. Au niveau des États membres, le pacte appliquera également davantage de règles impératives et intrusives, en se basant sur le Pacte budgétaire et sur toutes ces autres mesures qui n’ont pour autre but que de réduire le pouvoir démocratique des zones vitales de la gouvernance économique. Pendant ce temps-là, le programme de compétitivité est soumis au vote au sein des conseils, des traités et des pactes de l’U.E. avec la complicité des gouvernements des États membres, qui se jouent de la situation en accusant Bruxelles de leur impuissance à réagir au programme proposé par les institutions européennes.

Le Pacte de Compétitivité doit être rejeté pour trois grandes raisons. Tout d’abord, parce qu’en abaissant la demande nationale et les dépenses publiques, il aggravera la crise économique européenne. Pourtant, on ne résoudra cette crise qu’en appliquant des mesures de relance. Ensuite, parce qu’en pillant les gouvernements nationaux de leurs instruments politiques, il donnera les pleins pouvoirs à l’incompétence technocratique, enterrant ainsi définitivement la démocratie européenne. Pour finir, parce que sur le long terme, les conditions de vie et de travail des européens se dégraderont, nous forçant à travailler plus longtemps pour des revenus moindres et dans une insécurité toujours plus grande, tout en neutralisant les services publics dont nous dépendons. Tout ça au nom de la compétitivité, cette supercherie dont le seul but est de rengorger les caisses des entreprises, au dépend des gens qui, comme nous, ne cherchent qu’à vivre dignement.

Si vous n’êtes pas d’accord avec le Pacte de Compétitivité et qu’il ne représente à vos yeux qu’un vaste mensonge, signez cette déclaration et luttons ensemble pour une vie plus digne.

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