3ème lettre d’informations de TroikaWatch

Dans cette lettre d’information vous trouverez des informations sur:

La situation générale

Comme les mois précédents le contexte européen est marqué par des gouvernements qui continuent à embellir la situation alors que la situation de plus en plus de gens continue à se détériorer. Après l’Irlande, le Portugal sera probablement le second pays à sortir de l’emprise de la Troïka, en Mai. Cependant, il est improbable que cela améliore les conditions de vie de la population parce que l’austérité se poursuivra pour de nombreuses années encore et qu’il est peu probable que le niveau de la dette se réduise sans une importante remise de cette dette.

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Au niveau européen

Dans de nombreux pays l’investigation du Parlement Européen sur la Troïka [fr] [en] [nl] [de] [el] [it] [pt] [sl] [es] a fait la une. Cette investigation indique clairement, comme nous l’avons-nous-même relaté, que la Troïka a enfreint la loi européenne plus d’une fois. Malheureusement l’opinion du Parlement européen sur la Troïka compte peu, car le Parlement n’a aucun droit de se prononcer sur les mesures politiques décidées par la Troïka.

Dès lors, cette investigation doit être vue en tenant compte des jeux de pouvoirs entre les différentes institutions européennes. Alors qu’il est tout à fait justifié de soutenir une évolution qui tend à augmenter le pouvoir du Parlement par rapport à celui de la Commission et du Conseil, on peut douter que cela conduise à des changements majeurs en terme de jeu politique européen – la plupart des décisions sont prises à huis clos. TroïkaWatch a publié un communiqué sur ce rapport d’investigation du Parlement sur la Troïka, qui peut être lu ici [fr] [en] [de] [sl].

Un nouveau rapport de Caritas Europe intitulé « L’impact de la crise européenne » établit que l’incapacité de l’UE et de ses membres à organiser une assistance réelle, à l’échelle voulue, en faveur de ceux qui sont en difficulté, à protéger les services publics essentiels et à créer des emplois va probablement prolonger la crise. Le rapport peut être téléchargé à partir du site de Social Justice Ireland [en].

Enfreindre les règles semble, en plus du cas de la Troïka, un nouveau mode opératoire dans d’autres questions concernant l’Union Européenne. Alors que le Conseil Européen et le gouvernement allemand essaient continuellement de mettre de côté le Parlement européen sur le lancement du mécanisme de résolution unique des faillites bancaires (SRM), le groupe des Verts au Parlement allemand a publié une étude [de] qui conclue que la mise en place d’un tel mécanisme sans un vote en propre et due forme du Parlement européen serait une infraction à la loi européenne. Le rapport abouti à la même conclusion qu’un rapport plus succinct [en], présenté plus tôt cette année par le député européen des Verts, Sven Giegold.

Par contre quand ce sont les intérêts des grands groupes qui sont affectés, ces acteurs puissants savent rappeler leurs «droits». Le rapport «En profitant de la crise – Comment les grands groupes et avocats tirent profit des pays en crise en Europe» [en], récemment publié par CEO et TNI, relate une vague montante de poursuites légales intentées par des grands groupes contre les économies qui en Europe souffrent de la crise. Le rapport considère que ces poursuites légales sont une alerte salutaire sur les coûts potentiellement élevés de l’accord commercial envisagé entre les États- Unis et l’UE.

Plus de détails sur cet accord, nommé TTIP (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), peuvent aussi être trouvés dans un rapport [en] publié par le bureau européen de la Fondation Rosa Luxembourg.

Mais la résistance civile continue. Pendant le dernier tour des negotiations entre les États-Unis et l’UE sur l’accord de libre-échange TTIP les mouvements D19-20, Alter Summit, Blockupy Europe, S2B Network et le réseau européen ATTAC ont organisé une manifestation à Bruxelles le 13 Mars.

La Confédération Européenne des Syndicats (CES) a commencé une nouvelle campagne avec pour thème «Une nouvelle voie pour l’Europe» [fr] [en] et prévoit dans ce cadre une manifestation à Bruxelles le 4 Avril 2014.

De nouvelles manifestations, à l’échelle européenne sont prévues en Mai, avant les élections européennes. Dans plusieurs pays des groupes de citoyens lancent un appel pour une semaine d’action du 15 au 25 Mai [en]. Le 15 Mai, le mouvement 15M en Espagne célèbre son 3ème anniversaire et le 17, la coalition Blockupy [en] [de] prévoit des manifestations à Berlin, Düsseldorf, Hamburg et Stuttgart en Allemagne.

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Grèce

La Commission d’enquête sur la Troïka du Parlement Européen a finalement effectué sa visite en Grèce fin janvier. La date initiale a été repoussée pour ne pas interférer avec la célébration de l’inauguration de la présidence grecque de l’Union Européenne. Othmar Karas, le représentant conservateur de la délégation, a ouvert une polémique avec le leader de l’opposition Alexis Tsipras en prétendant qu’il n’avait présenté aucune alternative à la politique poursuivie par la Troïka en Grèce. Cela a été ensuite démenti par le second membre de la délégation, l’eurodéputé socialiste français, Liêm Hoang Ngoc, qui l’accompagnait. Entretemps le SYRIZA, que les sondages prévoient en tête aux prochaines élections a rendu publiques les positions qu’il a remises à la Commission d’enquête sous le nom «Le livre noir de la Troïka» [en] [el].

Alors que d’un côté les résultats financiers de 2013 annoncés par le gouvernement grec début février sont meilleurs que prévus (récession à 3,7%, excédent de la balance des paiement, excédent primaire des comptes publics et déficit total de l’État à moins de 3%), d’un autre côté le prix payé pour obtenir ces résultats est pire que prévu : chômage à 28 pour cent (et 60 pour cent pour les jeunes), alors que la dette atteint des niveaux records et insoutenables (plus de 170 pour cent).

Le ministre de Finances grec a déclaré qu’il s’attendait à ces chiffres et c’est pour cela qu’il a rejeté les demandes de mesures d’austérité supplémentaires de 3 milliards d’euros formulées par la Troïka en Novembre, ce qui a bloqué les négociations [en] pour la libération de la tranche de prêt qui était prévue pour fin 2013. Ce retard a obligé la Grèce de recourir à l’émission d’obligations à court terme pour combler l’écart.

Les inspecteurs de la Troïka sont revenus à Athènes pour leur inspection en vue de la libération de la tranche de 8,8 milliards de prêts dont la Grèce a besoin pour rembourser des prêts et payer des intérêts arrivant à échéance en mai, avant les élections européennes. Pour approuver le versement de cette tranche la Troïka exige du gouvernement grec des mesures qu’il aurait souhaité repousser : le licenciements de 12.500 fonctionnaires supplémentaires, l’amélioration de la « compétitivité » par l’adoption de plus de 300 recommandations contenues dans un récent rapport de l’OCDE [en], ainsi que la réduction de la part patronale des charges salariales et de quelques autres taxes. Les réductions de taxes créeront de nouveaux trous dans les comptes grecs et probablement de nouvelles coupes dans les budgets sociaux plus tard, cette année – que le gouvernement aurait souhaité évité -, alors qu’au moins une des mesures préconisées par le rapport de l’OCDE risque de compromettre la survie de l’industrie laitière grecque [en].

Il est probable que le gouvernement accepte ces exigences dans les semaines qui viennent pour recevoir les montants de prêts promis et pouvoir utiliser une partie d’entre eux pour des concessions électorales ciblées sur certains groupes d’électeurs dans l’espoir de limiter les pertes attendues des partis de la coalition gouvernementale aux élections locales et européennes prévues en Mai. Mais malgré les débats au sein du gouvernement allemand sur l’opportunité d’annonces qui pourraient aider la fragile coalition qui gouverne la Grèce à affronter mieux ces élections, la question de la dette grecque ne sera discutée qu’après ces élections [en].

Une bataille politique majeure pourrait à nouveau éclater, après ces élections, entre le FMI et d’autres «pragmatistes», qui souhaitent une réduction ou un allongement de la charge de la dette grecque, pour permettre la continuation des réformes et ensuite annoncer un «pardon» [en] et ceux qui ne croient pas que le projet de réformes est menacé et qui pour des raisons politiques ( surtout dans les pays du Nord de l’Europe ) ne veulent pas apparaître comme aidant la Grèce, de quelque manière que ce soit.

La réponse apparente du gouvernement allemand est d’imposer alors un nouveau mémorandum à la Grèce [en] pour étendre le pouvoir de la Troïka sur le pays en échange d’un nouveau renflouement par des prêts ; cela portera la dette grecque à plus de 180% du PIB avec une extension de la période de remboursement à 30 ou 50 ans.

Le FMI, plus pragmatique que ses partenaires de la Troïka, a plaidé déjà dans le passé qu’une assistance financière plus importante en faveur de la Grèce [en] est le seul moyen pour maintenir durablement son engagement idéologique à poursuivre des politiques d’austérité. Cette position qui implique qu’il faut réduire la dette quand elle augmente, est motivée par le besoin qu’a le FMI de justifier la poursuite de l’austérité, malgré ses effets sur l’emploi et l’effondrement de l’économie qu’elle provoque. Le FMI, finalement, admet que si un nouveau « plan de sauvetage » est considéré comme nécessaire tant par la Grèce que par ses prêteurs, des mesures strictes et drastiques supplémentaires devront être demandées en échange.


D’autres comme le SYRIZA, mais aussi un économiste allemand, qui faisait partie de la Task Force de la Troïka en Grèce, jusqu’à récemment, Jens Bastian [en], plaident pour une solution qui s’inspirera des règles appliquées pour résoudre le problème de la dette allemande de l’après-guerre, lors du sommet international de Londres de 1952 – «Donner à la Grèce un meilleur avenir».

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Irlande

L’Irlande a été également visitée par une délégation de la commission du Parlement européen, qui enquête sur le travail de la Troïka. Pendant leur visite, le mouvement Social Justice d’Irlande a fait une présentation de 22 pages à la Troïka. Les principaux points de leur conclusion sur le travail de la Troïka sont:

  • L’approche d’austérité suivie par la Troïka en Irlande et dans d’autres pays avait une base académique erronée, était un échec dans la pratique, et était moralement contraire à l’éthique parce que les gens pauvres et aux revenus moyens ont porté une part injuste de ses conséquences;
  • Tout en prenant une approche draconienne pour les finances publiques, la Commission européenne n’a pas réussi à introduire une réglementation suffisamment rigoureuse du secteur financier;
  • Tous les programmes de renflouement à l’avenir doivent être liés par la Charte des droits fondamentaux de l’union européenne et les traités.

Ici vous pouvez télécharger le rapport complet [en].

Alors que le ministre irlandais de la protection sociale voit les chiffres de l’emploi de l’Irlande comme la preuve que la situation économique dans le pays est de retour à la normalité, Michael Thaft a regardé de plus près ces chiffres et a trouvé que le nombre moyen d’émigrants par an a plus que doublé (133,7 pour cent) depuis le déclenchement de la crise en 2008, par rapport aux années d’avant la crise. Thaft a trouvé des chiffres encore plus dramatiques pour l’Espagne, où l’émigration a augmenté de 274 pour cent. Vous pouvez lire l’article complet «Les pays normaux de la zone euro n’exportent pas leurs gens» [en] dans la ‘Irish Left Review’.

Morgan Kelly, économiste à l’’University College’ de Dublin et, selon l’’Irish Times’, «le premier économiste à prédire l’ampleur probable de l’effondrement du système bancaire irlandais», dans un discours récent devant la société économique de l’UCD, a averti que la «crise réelle pour l’économie irlandaise n’est pas encore arrivée» [en]. Si les tests de stress sont trop durs, ils conduiraient à une contraction du crédit, qui pourrait être suivie par la faillite de milliers de petites et moyennes entreprises.

Regarder son discours complet ici:

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Portugal

De juin 2011 à décembre 2013, le niveau de la dette publique a augmenté de 172,3 milliards d’euros à 204,3 milliards d’euros. Suite aux nouvelles règles comptables, qui seront adoptées par Eurostat en septembre 2014, et l’inclusion d’autres dettes cachées, la dette totale du Portugal pourrait atteindre 242 milliards d’euros.

À la fin de l’année dernière, le nombre de personnes employées au Portugal a diminué de 4,635 millions il y a un an, à 4,513 millions ; le taux de chômage restant à 15,3 pour cent, et à 34,7 pour cent pour les jeunes.

Depuis le début de la présence de la Troïka au Portugal, les salaires ont baissé de 5 pour cent: c’est arrivé dans un pays où le salaire moyen n’est que de 700 à 800 euros. Alors, Il n’est pas surprenant qu’environ 265.000 Portugais ont émigrés depuis la signature du premier protocole d’entente (mémorandum) avec la Troïka, privant le Portugal d’une partie importante de sa main d’œuvre alors qu’il cherche à retrouver la croissance.

Les meilleurs résultats de la balance des paiements viennent de faits exceptionnels : la forte chute de l’investissement (réduisant les machines et les matières premières importées), et les effets de la chute du pouvoir d’achat (les gens deviennent plus pauvres) sur les biens de consommation importés.

Quelque 53 pour cent des investissements étrangers (IDE) au Portugal est concentré dans les secteurs financiers et immobiliers, qui tous deux ne sont plus des secteurs hautement productifs (si on considère qu’ils puissent l’avoir jamais été). Une partie importante de l’IDE vient des Pays-Bas et du Luxembourg, où les grandes entreprises portugaises ont transféré leur siège pour des raisons fiscales ; ainsi, par exemple, leurs supermarchés au Portugal sont maintenant considérés comme des investissements étrangers, ce qui exagère aussi les chiffres utilisés pour démontrer une reprise factice et que les investisseurs étrangers reviennent au Portugal.

Un sentiment de soulagement, après que le tribunal constitutionnel portugais ait rejeté la mesure proposé par Troïka de mettre en œuvre une réduction de 10% dans les pensions du secteur public, a rapidement disparu quand le gouvernement a décidé de prendre de nouvelles mesures [en] afin de compenser l’argent perdu par la non-application des baisses des retraites : les gens devront désormais payer 3,5% au lieu de 2,5% au système de sécurité sociale, et les contributions extraordinaires seront dorénavant payées par les travailleurs qui gagnent plus de 1,000 euros – au lieu de 1,350 euros par mois auparavant.

Dans une tentative supplémentaire pour économiser de l’argent, le gouvernement prévoit de fermer des dizaines de tribunaux et des bureaux des impôts dans les régions périphériques ou il n’y a pas assez d’activité économique et les gens vivent de l’agriculture de subsistance (c’est le cas des agriculteurs qui ne produisent que ce dont ils ont besoin pour nourrir leurs familles et eux-mêmes), des petits commerces et de revenus des pensions.

Le renflouement de 78 milliards d’euros du Portugal prendra fin le 17 mai, ce qui signifie probablement que la Troïka quittera le pays – cependant, la Commission européenne continuera de surveiller le budget financier pour de nombreuses années encore.

De plus, l’austérité continuera, avec ou sans la Troïka: les créanciers internationaux ont lancé un appel aux partis au Portugal et aux citoyens pour qu’ils soutiennent «quelques années supplémentaires» [en] des mesures d’austérité, et le dernier report du FMI conclut que «En plus de la consolidation budgétaire, on a besoin d’une transformation continuelle qui va bien au-delà de la période de la programme»; «Le Portugal continue à être confronté à des défis économiques considérables» et «Les risques concernant la réalisation des buts du programme restent élevés».

Début février, le syndicat CGTP a organisé une manifestation dans plusieurs villes portugaises, avec des milliers de participants. Les manifestants ont exigé la fin des mesures d’austérité, et ont suggéré que la formation d’un nouveau gouvernement sera nécessaire pour le faire.

À côté de cela, le 7 Mars, plusieurs milliers de policiers ont manifesté contre les coupes dans les salaires et les pensions en face du Parlement portugais. Dix personnes ont été blessées au cours des manifestations.

Dans une tentative pour capturer trois ans d’austérité au Portugal en images et vidéo, neuf photographes portugais ont lancé l’initiative de ‘Crowd-funding’ qui s’appelle ‘Projecto Troïka[en] [pt]. Avant la fin de septembre, ils veulent récolter € 15,000 pour leur projet, afin de publier un livre et produire un site et un DVD qui recueilleront les images qui reflètent la souffrance du peuple du pays à cause des mesures de la Troïka – «un document pour la mémoire à venir».

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Chypre

La politique de la troïka à Chypre a provoqué une récession de 5,3 pour cent en 2013 et selon les prévisions, la récession continuera à Chypre en 2014. Malgré cela, on entend la même musique là aussi, sur la « reprise » de Chypre, et les messages positifs coordonnés par les associés de Troïka semblent conçus pour donner un sentiment de «retour à la normalité» pour l’économie chypriote, alors que les mesures d’austérité continuent. En février il y avait des grèves et des manifestations de masse contre une intention de privatiser l’entreprise de télécommunication chypriote ‘CyTA’, plusieurs ports et la compagnie d’électricité, ce qui est une demande de la Troïka pour payer la prochaine tranche du plan de sauvetage de 236 millions d’euros. La première et la plus grande manifestation a eu lieu le 8 février devant le Ministère des Finances, le Ministère du Travail, et la Maison de l’Europe.

Toutefois, la démonstration n’a pas réussi à empêcher le gouvernement d’approuver ce plan le 13 février.

Il y a eu aussi beaucoup de grèves dans les entreprises menacées par la privatisation [en]. Quand le Parlement a commencé à débattre du plan de privatisations, les manifestants et la police s’affrontaient devant le bâtiment du Parlement.

Quelques jours plus tard, lorsque le Parlement, avec de nouvelles manifestations, a voté sur le plan, les travailleurs pouvaient célébrer une petite victoire: le gouvernement n’avait pas la majorité et pour un moment la privatisation a été stoppée. Cependant, il fallait s’attendre à ce que le gouvernement essaye de trouver les moyens de garantir une majorité pour un nouveau vote. Et ce fut rapidement le cas.

La résistance civile aux mesures de la Troïka a été très présente à Chypre le mois dernier, car en dehors du conflit sur ​​les privatisations, il y a eu une encore plus grande manifestation des porteurs d’obligations [en] devant le siège de la Banque de Chypre et une grève des fonctionnaires locaux des Forces Britanniques à Chypre contre les mesures [en] d’austérité sur cette base militaire.

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Espagne

Depuis 2012, quand Luis de Guindos et Olli Rehn (EC) ont signé le protocole d’accord (Memorandum of Understanding) qui a imposé  « des conditions strictes » sur l’Etat espagnol, le déficit s’est envolé à 10,6 pour cent 2012 et 7,3 por cent 2013 et la dette a grimpé à 93,9 pour cent du PIB, selon Eurostat, et le chômage dépasse maintenant 26 pour cent.

Lançant de la poudre aux yeux, le gouvernement de Rajoy a annoncé que le «sauvetage» espagnol était terminé (qui, selon le président, n’a jamais existé). Ce qui n’est pas dit, c’est que tant les conditions de cet accord et la surveillance mise en place se poursuivront jusqu’à ce que le dernier centime d’euro avec les intérêts soit remboursé, ce qui n’arrivera pas avant 2027. Donc, malgré ce que l’on dit sur la Troïka qui quitte l’Espagne, le contrôle par la Commission Européenne et l’ESM continuera pendant des années – tout comme pour l’Irlande et le Portugal.

La société espagnole continue de soutenir que ce n’est pas sa dette et que, par conséquent, «nous ne devons pas, nous ne paierons pas»; on assiste à un véritable soulèvement des citoyens pour défendre leurs droits et les services sociaux.

Et cette lutte donne des résultats, par exemple en ce qui concerne le plan de privatisation des hôpitaux à Madrid [fr] [en] [nl] [de] [el] [it] [pt] [es].

La résistance se poursuit avec les mobilisations contre la réforme récente de la loi espagnole sur l’avortement. La loi la plus restrictive de la démocratie en Espagne, qui va pousser des milliers de femmes vers l’avortement clandestin. Et, sous le slogan «Madrid 22-M, Marches pour la dignité» (organisé par le Syndicat des travailleurs andalous, les camps de dignité de l’Estrémadure et le Front civique Nous sommes la majorité, entre autres groupes) les marches se dirigeront vers la capitale de divers points du pays et se rassembleront le 22 Mars à Madrid. Leurs demandes sont recueillies ici [fr] [en] [de] [el] [es].

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Italie

Le ratio de la dette publique sur le PIB en Italie reste à 133,3 pour cent, le deuxième plus élevé de toute l’Union européenne (avec une valeur absolue de plus de 1.500 milliards d’euros), alors que la moyenne de la zone euro est à 92,7 pour cent. Malgré le fait que tous les gouvernements nommés des trois dernières années – le gouvernement technique de Monti, le gouvernement du Letta et celui nouvellement nommé de Renzi – étaient censés réduire la dette publique, son pourcentage est passé de 126 pour cent du PIB à la fin de 2011 à plus de 133 pour cent aujourd’hui.

Renzi, le secrétaire nouvellement élu du Parti Démocrate, représente le bord le plus conservateur du centre gauche. Plus de la moitié du peuple italien a exprimé une opinion positive sur son gouvernement, et est persuadé qu’il pourrait durer longtemps.

Malheureusement, cela ne signifie pas le vrai changement qu’espèrent les Italiens, parce-que, avant tout chose, il représente les lobbies économiques et financiers italiens et européens. On doit le voir comme une continuation des anciennes administrations technocratiques. Un exemple qui le prouve est le nouveau ministre de l’économie, Giancarlo Padoan, qui est ancien directeur général du FMI et vice-secrétaire à l’OCDE.


Parmi les mesures annoncées par Renzi, il y a la soi-disant « loi de l’emploi », qui a la même base que la «stratégie européenne de l’emploi». Ce projet a l’intention de résoudre le problème du chômage, en légitimant les nouvelles formes de contrats précaires. Le taux de chômage est, à 12 pour cent (environ 3,3 millions de personnes), à son plus haut niveau depuis 1977 ; pour les jeunes âgés de 14 à 24, il est même de 42,4 pour cent.

Le 22 Février, la journée nationale contre les trains à grande vitesse (NO TAV), des milliers de personnes se sont rassemblées dans les villes italiennes les plus importantes, luttant contre les lobbies économiques et financiers qui poussent à la réalisation des projets qui mettent en danger la santé et l’environnement dans les lieux concernés.

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Slovénie

La Slovénie est toujours confrontée au surendettement des secteurs bancaire et privé, et à de fortes pressions de l’UE d’imposer des mesures comme celles de la Troïka. L’un des modèles similaires à ceux de la Troïka exportés vers le pays, outre les privatisations exigées, est le modèle «Bad Bank» ; nommé en Slovénie « La Société de Gestion d’Actifs de la Banque » (DUTB [en] [sl]) qui a été fondée en 2013.

L’idée du DUTB est de «renforcer la capacité financière et la viabilité des banques du système, et par conséquent de promouvoir la croissance économique ». De cette façon, les banques privées devront transférer la partie de leurs prêts accumulés avant la crise qui obtient des résultats médiocres au DUTB. Après cela, les banques seraient à nouveau capables d’exercer la fonction de prêter à l‘économie, pendant que la Commission européenne (CE) et des investisseurs financiers internationaux contrôleront l’ensemble du processus.

Ainsi une institution qui appartient à la Troïka régit le secteur financier de la Slovénie et décide son économie nationale, mais ce qui est encore plus inquiétant est d’avoir aux commandes des directeurs étrangers qui sont évidemment associés avec la Troïka. Les exemples sont Lars Nyberg, Arne Berggren et Carl-Johan Lindgren, qui sont membres du conseil de DUTB. Lars Nyberg est étroitement liée à la BCE ; il a été président du groupe de gestion de crise de la BCE et membre du «groupe de Larosière» (un groupe d’experts de haut niveau sur la surveillance financière dans l’UE). Arne Berggren a été membre de l’équipe FMI de la «Troïka » en Espagne et son collègue Carl-Johan Lindgren a travaillé aussi pour le FMI. Il n’est donc pas surprenant que la fondation de DUTB a été accueillie favorablement par le FMI, qui l’a considéré comme une étape importante vers la résolution du problème des actifs toxiques.

Le 17 Janvier, le gouvernement slovène a nommé un nouveau directeur non-exécutif du conseil de DUTB, Mitja Mavko, du ministère des Finances. Il est le responsable des relations financières internationales et ses principales obligations ont été d’entretenir des relations avec les institutions financières internationales, alors qu’il est en plus un sous-gouverneur de la Slovénie dans le Groupe de la Banque mondiale. Le DUTB a également été fortement soutenu par la Banque de Slovénie et par son gouverneur Boštjan Jazbec, qui a déjà travaillé comme consultant pour le FMI au Kosovo et au Surinam. Ainsi, la Slovénie est confrontée à de fortes pressions pour imposer des mesures telles que celles de la Troïka, par elle-même, sans contrôle public et d’adopter ses structures inappropriées.

Il y a une grande inquiétude que la constitution du DUTB implique que les contribuables payeront pour tous les aspects financièrement suspects de l’héritage des banques, alors que les «bonnes pièces» des banques seront vendues aux banques et aux investisseurs étrangers. Les contribuables devront payer 3 milliards d’euros pour couvrir le déficit de financement. En outre, des voix critiques ont également parlé des coûts du DUTB, qui s’élèvent à 5 millions d’euros, et où, la plupart des contrats, d’une valeur de 2,5 millions d’euros ont été donnés à la société étrangère de conseil, « Quartz & Co », dont le partenaire Torbjörn Månsson est directeur par intérim du DUTB. La question des coûts du DUTB et ses relations avec Quartz & Co a été commentés par Lars Nyberg à la télévision nationale slovène. Vous pouvez regarder l’interview (minutes 20:15-27:00) ici en anglais: http://ava.rtvslo.si/predvajaj/odmevi/ava2.174260010/

Le ministre des Finances, Uroš Čufer, a admis que la Slovénie est dans une situation financière difficile, et que le pays dépend fortement des marchés étrangers et devra continuer à emprunter de l’argent pour quelques années. La Slovénie a vendu 3,5 milliards de dollars d’obligations après un redressement de la situation ; le remaniement du secteur bancaire l’année dernière a permis de réduire le risque d’un plan de sauvetage. Une vente organisée par Barclays Plc, Goldman Sachs Group Inc. et JPMorgan Chase & Co. a coûté plus de 5 millions d’euros. «C’est la plus grosse commande pour une édition syndiquée d’obligations d’État en Europe centrale et orientale » a déclaré Irena Ferkulj, un porte-parole du ministère des Finances.

Cependant, le gouvernement de la Slovénie ne veut pas rendre publique l’information sur qui étaient les acheteurs de ses obligations. De plus, le fait est que «la Slovénie, au cours des dernières années, a augmenté sa dette publique d’environ 20 à 25 pour cent à près de 73 pour cent du PIB» [en] a déclaré Čufer. Dès que l’émission de ces obligations en dollars en deux tranches aura été analysée, les préparatifs commenceront pour une nouvelle émission, a-t-il dit dans une interview télévisée. Et selon les estimations, cela augmentera la dette publique slovène à environ 77,7 pour cent du PIB [en].

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De notre côté

L’équipe TroikaWatch continue à grandir: un nouveau membre venant d’Attac Ireland nous informera de la situation en Irlande. Grâce à Andreja, un graphiste de Slovénie, nous avons maintenant notre logo et notre bannière. Si vous voulez nous aider à faire connaître notre lettre d’information en Europe, vous pouvez placer notre bannière sur votre site. Vous la trouverez en plusieurs dimensions ici.

TroikaWatch est constitué de différents groupes: certains d’entre eux travaillent pour des organisations de la société civile comme Bretton Woods Project [fr] [en] [es] [el], CEO [en], CADTM [fr] [en] [fr] [es] [pt], Humanitas [en] [sl] or TNI [en] [es]. D’autres sont des activistes dans des réseaux tels que Attac [fr] [en] [de] [es] [pt] [it] [el], ICAN [fr] [en] [es], le Forum per una Nuova Finanza Pubblica e Sociale [it] ou le mouvement social espagnol 15M.

Nous envisageons de publier cette lettre d’informations une ou deux fois par mois en allemand [de], anglais [en], espagnol [es], français [fr], grec [el], italien [it], néerlandais [nl], portugais [pt] et slovène [sl]. Vous pouvez vous inscrire à cette lettre d’informations sur www.troikawatch.net/lists/?p=subscribe&id=2 et nous contacter par email à l’adresse info@troikawatch.net.

Un bonjour d’Amsterdam, Athènes, Barcelone, Berlin, Bruxelles, Florence, Francfort, Copenhague, Liège, Lisbonne, Lubiana, Londres et Thessalonique.
L’équipe TroikaWatch

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L’équipe de TroikaWatch remercie Tommons.org (the Rosetta Foundation) et leurs traducteurs, qui ont été d’un gros secours,qui nous a permis de publier cette lettre d’information en plusieurs langues.

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